"I read once about a woman whose secret fantasy was to have an affair with an artist. She thought he would really see her. He would see every curve, every line, every indentation and love them because they were part of the beauty that made her unique"*.
Sean Willis - Cashback
Il y a certaines choses qui m’ont toujours profondément attristé : les handicapés mentaux et moteurs, ainsi que les « défigurés ». Une de mes amies peut témoigner de mon extrême sensibilité sur ces visages (elle se reconnaîtra). Car ce n’est pas le handicap qui me perce à nu, c’est le visage. Cet amas de peau sur plusieurs os, qui forme notre identité, notre humanité et notre place dans la société. Notre représentation.
Les handicapés moteurs sont ceux qui me troublent le moins. C’est derrière, rarement, le rire que je me cache pour éviter de sangloter. C’est la manière la plus commune de cacher un mal derrière son extrême. Certes, vous pouvez me rétorquer que c’est une mauvaise cachette car eux ressentent le rire, mais c’est un bien pour moi. Et je me choisis avant eux afin de ne pas me rompre un équilibre. Ce qui m’attriste, c’est une ruine de leur univers physique. Ne plus pouvoir faire ce qu’ils veulent, et ça se transfigure sur leur visage, et particulièrement, leur regard. Cependant, il demeure une certaine vanité ou un certain défi face à ce qu’ils nomment « leur différence ». Aujourd’hui, être handicapé moteur est quasiment rentré dans la norme. Surtout de part ce désir insatiable « d’être comme vous, pas moins ». Le regard de l’autre est moins « assassin » car l’handicap moteur est plus souvent exposé, ce qui le normalise.
Les « défigurés » arrivent bien après ce handicap. Leur regard est aussi défigurée que leur identité. Ils ont conscience du regard de l’autre, de la pitié, l’étonnement ou la surprise. Ils s’en rendent compte qu’ils ne sont plus comme les autres et qu’ils ont perdu une partie d’eux-mêmes. Cette partie, c’est leur identité. C’est l’autre qui les place dans la société et le miroir, c’est le regard de soi dans le reflet de l’autre. Ils me fendent le cœur. Pas de pitié, pas de bêtises, seulement le souffle coupé et les larmes au coin des yeux. Leur vie est sur une lame, je le sens. C’est comme se retrouver face au sublime, pas besoin de mots, pas besoin de crédit. On sait. Je sais.
Les handicapés mentaux me possèdent, me hantent. Mais ceux qui me touchent le plus sont les autistes. Pas tous ne me tordent le cœur, mais certains le font avec tant d’innocence, qu’ils font vaciller mes capteurs de sensibilités. Tout est brouillé, un rien me fait pleurer. Par exemple, je ne peux pas voir plus de 5min d’une émission traitant de ses maladies sans fondre en larme. C’est un besoin plutôt que la paralysie psychologique. C’est leur regard qui me trouble. Ce regard d’innocence mêlé de joie et de tristesse. Un océan du vide. Tout s’entremêle pour ne laisser qu’un chaos du développement psychologique. Ils sont des enfants déconstruits. Ils ne sont rien. Et pourtant tout. Un de leur regard me bouscule pour une journée entière. Il me hante. Comme leur silence enveloppe leur prison.
Ils m’ont toujours fait écrire.
Une source d’inspiration chaotique.
Mon empathie peut-être ou ma sensibilité me font entrapercevoir le sublime, sans pour autant qu’il me subjugue. Il me laisse simplement la photographie de leur vie sur un visage. Une peinture incroyable d'une vie qu'ils auraient aimé éviter.
*"Une fois, j'ai lu une histoire sur une femme qui désirait avoir secrètement une aventure avec un artiste. Elle pensait qu'il la verrait vraiment, qu'il verrait chaque courbe, chaque ligne, chaque creux. Et qu'ils les aimeraient parce qu'ils faisaient parti de cette beauté qui la rendait unique".
Sean Willis -Cashback