13 mars 2008

Eux, ces sublimes

"I read once about a woman whose secret fantasy was to have an affair with an artist. She thought he would really see her. He would see every curve, every line, every indentation and love them because they were part of the beauty that made her unique"*.
Sean Willis - Cashback


Il y a certaines choses qui m’ont toujours profondément attristé : les handicapés mentaux et moteurs, ainsi que les « défigurés ». Une de mes amies peut témoigner de mon extrême sensibilité sur ces visages (elle se reconnaîtra). Car ce n’est pas le handicap qui me perce à nu, c’est le visage. Cet amas de peau sur plusieurs os, qui forme notre identité, notre humanité et notre place dans la société. Notre représentation.

Les handicapés moteurs sont ceux qui me troublent le moins. C’est derrière, rarement, le rire que je me cache pour éviter de sangloter. C’est la manière la plus commune de cacher un mal derrière son extrême. Certes, vous pouvez me rétorquer que c’est une mauvaise cachette car eux ressentent le rire, mais c’est un bien pour moi. Et je me choisis avant eux afin de ne pas me rompre un équilibre. Ce qui m’attriste, c’est une ruine de leur univers physique. Ne plus pouvoir faire ce qu’ils veulent, et ça se transfigure sur leur visage, et particulièrement, leur regard. Cependant, il demeure une certaine vanité ou un certain défi face à ce qu’ils nomment « leur différence ». Aujourd’hui, être handicapé moteur est quasiment rentré dans la norme. Surtout de part ce désir insatiable « d’être comme vous, pas moins ». Le regard de l’autre est moins « assassin » car l’handicap moteur est plus souvent exposé, ce qui le normalise.

Les « défigurés » arrivent bien après ce handicap. Leur regard est aussi défigurée que leur identité. Ils ont conscience du regard de l’autre, de la pitié, l’étonnement ou la surprise. Ils s’en rendent compte qu’ils ne sont plus comme les autres et qu’ils ont perdu une partie d’eux-mêmes. Cette partie, c’est leur identité. C’est l’autre qui les place dans la société et le miroir, c’est le regard de soi dans le reflet de l’autre. Ils me fendent le cœur. Pas de pitié, pas de bêtises, seulement le souffle coupé et les larmes au coin des yeux. Leur vie est sur une lame, je le sens. C’est comme se retrouver face au sublime, pas besoin de mots, pas besoin de crédit. On sait. Je sais.

Les handicapés mentaux me possèdent, me hantent. Mais ceux qui me touchent le plus sont les autistes. Pas tous ne me tordent le cœur, mais certains le font avec tant d’innocence, qu’ils font vaciller mes capteurs de sensibilités. Tout est brouillé, un rien me fait pleurer. Par exemple, je ne peux pas voir plus de 5min d’une émission traitant de ses maladies sans fondre en larme. C’est un besoin plutôt que la paralysie psychologique. C’est leur regard qui me trouble. Ce regard d’innocence mêlé de joie et de tristesse. Un océan du vide. Tout s’entremêle pour ne laisser qu’un chaos du développement psychologique. Ils sont des enfants déconstruits. Ils ne sont rien. Et pourtant tout. Un de leur regard me bouscule pour une journée entière. Il me hante. Comme leur silence enveloppe leur prison.

Ils m’ont toujours fait écrire.
Une source d’inspiration chaotique.
Mon empathie peut-être ou ma sensibilité me font entrapercevoir le sublime, sans pour autant qu’il me subjugue. Il me laisse simplement la photographie de leur vie sur un visage. Une peinture incroyable d'une vie qu'ils auraient aimé éviter.



*"Une fois, j'ai lu une histoire sur une femme qui désirait avoir secrètement une aventure avec un artiste. Elle pensait qu'il la verrait vraiment, qu'il verrait chaque courbe, chaque ligne, chaque creux. Et qu'ils les aimeraient parce qu'ils faisaient parti de cette beauté qui la rendait unique".
Sean Willis -Cashback

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce corps, prison de l'esprit...

me a dit…

Ce serait tellement réducteur... Tellement platonicien !
Et pour rendre ça plus fort, tellement chrétien !
hihi

Anonyme a dit…

on se lance dans une classification des handicapés? sur quels critères? ce qu'ils te font ressentir? ca me semble un peu subjectif. D'autre personne ont classifié les humains en fonction de leur preference personnelle et on sait ce que ca a donné. enfin ne pas exagerer non plus. ce texte est juste inpudique.

me a dit…

Ca tombe bien, tu es sur ma page. Toute ce que tu lis est impudique.

Voyeur.

Tu me rétorqueras : Exhibitionniste.
Je te dirais oui.

Envie d'écrire sur des larmes, laisse moi simplement le faire.

Anonyme a dit…

on peut etre exhibitionniste ou bien voyeur ou pretre ou les 3 en même temps et lire ce blog. Ce n'est pas le problème ici de savoir qui je suis qui tu es et pourquoi je viens lire ces textes. Je comprends ce que tu as voulu ecrire: le sentiment que tu ressents face à ces personnes je comprends qu'en ecrivant tu n'ais pas voulu te soucier des questions morales mais seulement ecrire librement et c'est tout à ton honneur. Seulement, dans ton cas, tout cela est maladroit, tomber dans le "tout est relatif" "osons": Oui, mais c'est un exercice dangereux qui requiert un approfondissement, une intelligence, une methode et pas simplement des mots qui n'ont pour seul but que de provoquer. tu dis ecrire sur les larmes et exige que je te laisse faire. 1. si Tu ecris sur un blog c'est pour le partager et en accepter les critiques sinon tu le fais chez toi devant ton ordinateur SEUL. 2. Tu n'ecris nullement sur les larmes mais sur La pitié et le dégout qu'ils t'imposent, sache que dans une journée de sa vie un handicapé n'a qu'un seul but eviter de provoquer ce genre de réactions que toi tu exhibes vulgairement pour te glorifier d'une ammoralité. 3. Je ne dis pas que la morale doit guider tout ce que l'on ecrit oh grand dieu non sinon nous serions encore au moyen age, la morale est relative donc attaquable. Mais il existe une morale universelle qui ne peut tomber dans le relatif: c'est la dignité humaine. c'est pour ce même dégout et cette même pitié, pour avoir rendu la dignité humaine relative que Hitler a envoyé les handicapés et autres dans les camps. Ne t'embarque pas je ne te traite pas de nazi mais je veux simplement que tu comprennes que ce que tu fais es complexe et par là même dangereux.
cordialement

Anonyme a dit…

Par exemple:
"C’est l’autre qui les place dans la société et le miroir, c’est le regard de soi dans le reflet de l’autre. Ils me fendent le cœur. Pas de pitié, pas de bêtises, seulement le souffle coupé et les larmes au coin des yeux. Leur vie est sur une lame, je le sens".
Ca on comprend ton idée est exprimée comprise et bien formulée.
Mais des phrases comme:
Il y a certaines choses qui m’ont toujours profondément ATTRISTE : les handicapés mentaux et moteurs, ainsi que les « défigurés ».
ou
"qu’ils ont perdu une partie d’eux-mêmes. Cette partie, c’est leur identité" "Les « défigurés » arrivent bien après ce handicap. Il est juste en dessous des handicapés mentaux"
c'est juste inacceptable et bête.

me a dit…

Aucune pitié dans tout traitement. Je ne ressens pas de pitié, seulement un sentiment extrême. Je leur parle, je ris avec eux, je les évite ou les déteste car ils sont imbuvables.

Le gros du problème est aussi cette capacité à "les rendre comme les autres". Plus on les rend comme nous, plus ils auront des problèmes.

Ce que tu dis sur la critique est vrai, je la défends aussi. Si j'écris, c'est pour être lu, critiqué dans les deux sens.

Ce texte n'a qu'un but : exposer une sensibilité. Tu l'as compris. Je ne cultive pas la pitié. Sinon, je n'arrêterai pas de le rabâcher. Or, lis ce blog du début, lis mes autres blogs, tu verras qu'il n'y ai jamais fait mention d'une quelconque pitié envers ces gens.

J'accepterai ton traitement, tes arguments, et ta mise en garde si tout ne reposait pas sur la pitié. Donc, je n'accepte pas.

Ça... c'est une fausse lecture : "Tu n'ecris nullement sur les larmes mais sur La pitié et le dégout qu'ils t'imposent, sache que dans une journée de sa vie un handicapé n'a qu'un seul but eviter de provoquer ce genre de réactions que toi tu exhibes vulgairement pour te glorifier d'une ammoralité."

==> Là, ça me choque. Non pas que je possède une névrose qui m'empêche d'accepter ce que tu dis. C'est simplement erroné.

me a dit…

Ok, je comprends ce que tu veux dire.

Cependant, cette phrase est pour moi toujours aussi juste : ""qu’ils ont perdu une partie d’eux-mêmes. Cette partie, c’est leur identité".

Anonyme a dit…

d'accord ce n'est pas de la pitié. Mais mon erreur montre bien que ce qui est ecrit dans ton texte n'est pas clair pour le lecteur. On ne sait pas vraiment ce que tu penses. Je me doute bien que tu ne veux pas envoyer tous les handicapés aux buchers mais on ne commence pas un texte en disant voilà je fais une hierarchie des handicaps, celui ci me dégoute plus que celui là celui là est plus acceptable à mes yeux. Mais sinon j'ai bien compris que ce que tu voulais denoncer c'est bien la place d'Autre que la société impose aux handicapés. Elle les plonge dans l'immanence et les prive de transcendance plus que d'identité

me a dit…

En effet, je comprends que cela peut être trouble.
Je ne voulais pas faire une hiérarchisation des handicaps.

La place de l'autre dans la société, j'ai pu m'y essayer, juste en venant à l'université en fauteuil.
Tout change.

Une question, comment as tu connu ce blog ?

Anonyme a dit…

tu ne voulais pas la faire mais tu l'as fait. Et je pense que tu devrais réécrire ces passages qui ne refletent pas ce que tu penses. On ne hierarchise pas les humains c'est tout.
sinon j'ai connu ce blog parce que je travaille pour une association francoaméricaine basée à NYC et dont le but est de tracquer ce qui se dit sur les blogs français et américains, Il y a des choses que l'on ne doit pas laisser passer. TU ne peux pas t'imaginer ce que l'on trouve sur internet: tout est ecrit mon role c'est de faire en sorte que la dignité humaine soit respecté sur le web où souvent les institutions traditionnelles ne viennent pas fouiller. Notre méthode est simple lire et discuter avec l'auteur lorsqu'il le veut bien. On ne peut pas tout ecrire sur internet la plupart des gens ne comprennent pas ce qu'ils ecrivent c'est avec eux que l'on discute pour que tout ce qui concerne la dignité humaine ne tombe pas dans le relatif.

me a dit…

Entendu.

Je pensais devoir réécrire ce thread. Cependant, pas pour le moment.

De toute manière, qu'on le veuille ou non, il y a une hiérarchisation de l'humain. Elle est juste officieuse. Toutefois, je ne voulais pas en faire une ici, comme tu l'as dit, je l'ai peut-être fait.
Je le changerai.

Mons postulat était trouble.

Anonyme a dit…

alors là je t'arrete: ne jamais accepter une hierarchisation de l'humain. Il n'y en a pas et si certain pretendent qu'elle existe ils se trompent et c'est un devoir de leur faire entendre raison. Il existe des différences c'est tout ce qu'il y a de plus objectif. Il existe des inégalités qu'il faut reconnaitre puis combattre ou ne pas combattre (cela appartient à la sphère du Politique). Mais il ne s'agit en aucun cas d'une hierarchisation, l'humain ne doit au grand jamais être réduit à l'objet. Si par hierarchisation tu entends la condition sociale, oui il ya des inégalités mais dans ce cas là à aucun moment on ne juge l'homme pour ce qu'il le définit objectivement. On le juge sur ce qu'il est devenu on le juge sur l'acquis mais jamais sur ce qu'il est, sur l'inné.